Les œuvres toutes récentes de Virginie Despentes ne feront pas la gloire de la littérature française. De même que les exemplaires de Jean Barois devaient rejoindre les poubelles des librairies en 1913 ; l’auteur, Martin du Gard, qui avait mis trois ans pour écrire ce livre à la rédaction si novatrice, s’était vu, en effet, refuser son manuscrit chez Grasset.
Autant vous le dire tout de suite, j’ai reçu quant à moi – avant même la parution définitive (que l’on attend tous) – nombreuses critiques et refus de publication de la part d’éditeurs connus et moins connus. Critiques parfois curieuses et bizarrement virulentes sans que je sache vraiment pourquoi.
Paradoxalement, les rares personnes qui m’ont lu trouvaient très sympa les personnages et le contexte. S’il est vrai que mes premiers lecteurs étaient des proches, il est vrai aussi qu’ils ne dépassaient jamais la trentaine…
Au XXIème siècle, on affirme toujours que les jeunes ne lisent aucun livre. Leurs loisirs se résument ainsi à des centaines d’heures passées devant un écran où les publicités regorgent – en quête de nouveaux pigeons –, se débattant entre elles dans des tonnerres d’effets visuels et sonores pour asseoir une influence dictée par leurs clients, majors d’industrie.
Quand on parle de littérature à des adolescents en France, bien souvent, ils n’ont qu’une seule vision, en œillère : celle inculquée par l’Education Nationale. Et, curieusement, les élèves n’apprennent nullement comment faire de la littérature, ils apprennent simplement à la commenter et à en réciter son histoire.
La littérature, c’est un art général qui consiste à coucher sur papier le contenu sensible d’un humain avec une histoire qu’il propose. Et, pour riposter contre mes détracteurs, j’ajouterai qu’il est possible de l’aborder sous toutes ses formes, du moment que les contraintes linguistiques et le style s’allient pour former quelque chose d’original.
Quand vous lirez consciencieusement les lignes de Grégoire, étudiant (je l’espère), suivant votre âge, vous risquez d’être surpris par la familiarité et la lourdeur quelque fois de l’humour des personnages, mais l’argot dans mon roman y joue un grand rôle pour que chaque phrase de mes personnages reste crédible et conserve, avec beaucoup de ponctuations, l’oralité d’un dialogue de personnes âgées de vingt ans qui entrent en faculté.
On m’a reproché, entre autres, qu’aucun message ne ressorte de Grégoire, étudiant, soit, en d’autres termes plus cassants : LE livre ne délivre aucun message.
Entre-nous (mais je peux me tromper), je doute que chaque bouquin vendu en librairie (ou en grande surface) tienne des propos éloquents visant à élever le lecteur en évoquant une quelconque intellectualité. Comme je l’ai soutenu dans l’historique de mon blog, la lecture de Grégoire, étudiant n’a pas d’autre ambition que de vous pousser à rire. Quant à la morale et autres dégagés du roman, ne nous voilons pas la face, malheureusement, l’alcool, la cigarette, les drogues douces et dures, pullulent dans les soirées privées, et certaines valeurs morales y sont alors bafouées. Mais les obligations énoncées par la morale ont la particularité de pouvoir être transgressées comme un jeu que l’âge, espérons-le, nivelle avec les aléas de la vie.
Si maintenant un jeune public (ce que je crois) se retrouvait dans ce livre, j’aurai alors atteint mon but. J’aurai réussi à décrire une partie de la jeunesse européenne qui construira l’avenir.
Marc Duboisé.